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L'armée romaine au temps d'Auguste

Une lente évolution

L'armée romaine est un formidable outil de conquête et de romanisation. Grâce à elle, l'Empire romain s'étend de l'Ecosse à la Jordanie. Mais autant Rome ne s'est pas faite en un jour, autant son armée mit, elle aussi, des siècles à s'organiser et à évoluer. Depuis les origines et jusqu'au IIe siècle avant J.C., l'armée romaine est calquée sur la répartition censitaire de la société. Tout homme est astreint au service armé et s'équipe selon ses moyens. Les plus riches forment traditionnellement la cavalerie, car ils sont capables d'entretenir un cheval à la guerre. Vient ensuite l'infanterie lourde. Au bas de l'échelle, les pauvres composent les troupes légères (vélites). Les prolétaires quant à eux ne sont pas appelés, puisque n'ayant rien à défendre, ils ne peuvent faire preuve de combativité.
En 107 av. J.C., sous l'égide du consul Caius Marius, l'armée de conscription fait progressivement place à une armée de métier. Celle-ci est désormais ouverte aux plus pauvres, qui s'enrôlent en masse. Pour ces volontaires issus en grande majorité des campagnes, l'armée est perçue comme un moyen sûr de s'élever socialement. Cette réforme est rendue nécessaire par le contexte socio-politique de l'époque, et par une désaffection grandissante des classes supérieures pour les choses de la guerre. Une conséquence de cette mesure est la "standardisation" de l'équipement, car c'est à présent l'État qui fournit les soldats.


Légionnaires du temps d'Auguste, au repos dans une bourgade indigène (reconstitution PAX AUGUSTA)


De cette armée nouvelle, certains généraux vont savoir tirer le meilleur parti. C'est le cas notamment de César, qui va en faire un puissant instrument politique, tout dévoué à sa cause.

Effectif de l'armée au début de l'Empire


Sous César, une légion compte environ 4800 hommes. Elle se répartit en 10 cohortes de 480 hommes (I à X). Chaque cohorte compte 3 manipules de 160 soldats (A, B, C), divisée chacune en 2 centuries de 80 légionnaires (X, Y). Une centurie comporte 10 contuburniae de 8 hommes (Z), dormant sous la même tente.
À la fin du Ier siècle avant J.C., l'armée subit quelques changements. La première cohorte, unité d'élite de la légion, comprend désormais 5 doubles-centuries, soit 800 hommes environ (480 pour les autres). L'effectif théorique total d'une légion passe ainsi à 5200 combattants, secondés par une multitude de valets et de muletiers. 120 légionnaires sont sélectionnés pour composer la cavalerie, et servir d'éclaireurs et d'estafettes. Les militaires fournissent l'essentiel des métiers nécessaires à la vie en autarcie : pionniers, architectes, médecins, artisans qualifiés, etc.
Structure de la légion romaine


Après la période des guerres civiles, Auguste ramène le nombre des légions à 28, soit 150.000 hommes pour défendre l'Empire. Il leur adjoint un nombre équivalent de soldats auxiliaires : fantassins et cavaliers.

Les cohortes prétoriennes


Les cohortes prétoriennes sont nées du besoin que certains chefs militaires estimaient aussi nécessaire que prestigieux de se constituer une garde personnelle dévouée. Leur nom vient du fait qu'elles plantent dans le camp leurs tentes près du praetorium (quartier général). Auguste arrête le nombre de ses prétoriens à 4500 hommes, répartis en 9 cohortes, commandés par deux préfets du prétoire. Trois cohortes sont établies à Rome, les autres autour de la ville. Chacune des cohortes prétoriennes assure par roulement la garde au palais.
Mieux considérés et mieux payés, les prétoriens font des jaloux chez les légionnaires, qui effectuent un service plus dangereux et plus long (20 ans contre 16 pour un prétorien.) Leur différence de statut n'est pas étrangère aux grandes mutineries qui secouent l'Empire à la mort d'Auguste, en 14 après J.C.



Prétoriens en campagne (reconstitution de PAX AUGUSTA)


Rome compte encore 4 cohortes urbaines, chargées du maintien de l'ordre, et 7 cohortes de vigiles, recrutées parmi les affranchis, et qui font office de pompiers et de police de nuit.

 


Les troupes auxiliaires


Les soldats auxiliaires sont recrutés chez les non-citoyens, pour une durée de 25 ans de service. À la fin de leur engagement, ceux-ci reçoivent le droit de cité, pour leurs enfants. Ils sont répartis en cohortes d'infanterie (de 500 ou 1000 hommes). Les unités de cavalerie comptent un nombre équivalent de soldats, mais distribués en 16 ou 24 "turmae" de 32 chevaux chacune. Plus tard, il existera aussi des cohortes mixtes, composées pour trois quart de fantassins et pour un quart de cavaliers, ainsi que des troupes indigènes, appelées "numeri", commandées par des chefs locaux et équipées avec leur armement national.


Archer d'une cohorte auxiliaire de Palmyre (reconstitution de PAX AUGUSTA, d'après la colonne Trajanne)

La marine

Auguste crée une marine de guerre forte de huit escadres et de trois flottilles. Deux escadres sont basées à Misène et à Ravenne pour protéger l'Italie et les deux parties du bassin méditerranéen.  Elles sont dites "prétoriennes" (classes
"praetoriae") Les autres escadres sont stationnées en Syrie, à Alexandrie en Égypte, en mer Noire, en Manche et mer du Nord, à Fréjus en Gaule, et en Lybie. Les flottilles fluviales jouent également un rôle important dans la surveillance des frontières, en assurant notamment la protection des convois de troupes et de ravitaillement. Elles sont réparties sur le Rhin et sur le Danube.
Le service dans la marine est peu recherché, et les citoyens romains l'évitent. Sa durée est de 26 ans, au bout desquels les non-citoyens reçoivent le droit de cité. Les provinces fournissent l'essentiel des recrues.  



Navire romain à la fin de la République
Par Francois Gilbert
 
La place de la femme et la légion romaine
Peu de sources subsistent qui nous informent sur la condition de la femme en général, si l'on met de côté les portraits des femmes ou filles d'empereurs, et quelque inscriptions honorifiques et votives, ou mentions dans des textes juridiques .
Jusqu'au 1er siècle de Notre Ere, le mariage d'un légionnaire était interdit alors que le concubinage était toléré. On peut donc supposer que de nombreuses femmes suivaient la légion à travers ses pérégrinations. Hormis le centurion, les soldats mariés voyaient leurs unions suspendues durant leurs vies de légionnaires. Les femmes pouvaient néanmoins choisir de les suivre ou bien attendre les 20 ans de service.

Comme toute présence féminine était interdite dans un contexte ou environnement militaire, les femmes possédaient leurs propres camps, les canabae. Les enfants nés de ces unions étaient légitimés et devenaient citoyens (si la mère n'était pas citoyenne) lorsque le père reprenait la vie civile. Les garçons constituaient bien sûr une réserve importante de recrutement.
Par Reine Vassieux